Page:Jules Vallès - L'Enfant.djvu/251

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— Non, Madame.

— Vous n’aimez pas le cidre ? »

Jeanneton, balbutie.

« Comme vous voudrez, ma fille ! » Et ma mère ajoute d’un air dépité : « Je mets le verre là, vous le prendrez tout à l’heure si vous voulez ; vous le laisserez s’éventer, si cela vous amuse. »

Le cidre ne s’éventera pas, il y a bon temps qu’il l’est. Il y a deux jours qu’il traîne dans une bouteille que mon père a repoussée parce qu’elle sentait l’aigre et qu’on a oublié de boucher. — Il est tombé un cafard dedans. Mais ma mère l’a retiré tout à l’heure, avec grand soin, comme elle aurait fait pour elle, et c’est parce qu’elle a senti le cidre qu’elle s’est décidée à l’offrir à Jeanneton.

« Le cidre neuf, le cidre frais a un acide qui est mauvais pour les femmes faibles… Rappelle-toi cela, mon enfant. »

Je me le rappellerai. Si jamais j’ai les poumons faibles, je prendrai du cidre comme celui-là, qui n’a pas d’acide, qui sent l’aigre et le moisi. Faudra-t-il mettre un cafard dedans ?

Ma mère m’avait vu regarder ce cafard en réfléchissant.

« C’est signe que le cidre est bon. S’il était mauvais, il n’y serait pas allé. Les insectes ont leur jugeotte aussi. »

Ah ! les malins !

Encore une observation dont je tiendrai compte. Quand il y a des insectes dans quelque chose, c’est