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Page:Jules Vallès - L'Enfant.djvu/291

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siècles ! Enfin elle l’a retiré bien proprement et m’a dit :

« Renifle, mon enfant ! renifle ! »

Je ne pouvais plus.

« Fais un effort, Jacques ! »

Je l’ai fait.

Seringue molle, mon nez a tiré et craché l’eau pendant une demi-heure, peut-être plus, et il me semble qu’on m’a vidé et que ma tête tient à mon cou comme un ballon rose à un fil ; le vent la balance. J’y porte la main. « Où est-elle ? — Ah ! la voilà ! »

Il n’y a que le nez qui compte ; il me cuit comme tout et il flambe comme un bouchon de carafe.

Je m’y attache, je le prends par le bout, moi-même, et je me conduis comme cela, sans me brusquer, jusqu’à mon pupitre, où je repasse ma leçon.

Quelquefois le but est manqué, mon nez dégoutte dans tous les sens, il en tombe des perles d’eau comme d’un torchon pendu, et je dis : « Baban. »

Baban, pour appeler celle qui m’a donné le jour !

Oh ! baban, ba bère ! pour dire : Maman, ma mère.

En classe, quand je récite le premier chant de l’Iliade, je dis : Benin, aeïdé ! — atchiou ! theia Beleiadeo, — atchiou !

Je traîne dans le ridicule le vieil Hobère ! Atchoum ! Atchoum ! Zim, mala ya, boum, boum !


Quelquefois le rhume ne vient pas, et je parle simplement comme un trombone qui a un trou, — où