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Des plâtres en tranches.

Et dans ce livre ? Des mots de géométrie.


Le lendemain, un dimanche, au lieu d’aller chez un camarade, comme mon père me l’avait permis, je passai ma journée avec ce livre et ces plâtres.

C’est le samedi suivant que j’étais premier.

J’allai tout joyeux en faire part à cet homme, qui me raconta son histoire.

Il avait failli mourir sous les coups des agents du roi de Naples, qui étaient venus pour l’arrêter comme conspirateur, et contre lesquels il s’était défendu pour sauver des papiers qui compromettaient d’autres gens. C’est là qu’il avait eu les doigts hachés. Il avait pu se traîner dans un coin ; on l’avait ramassé, sauvé, et il était passé en France.

« Conspirateur ! Vous étiez conspirateur ?

— J’étais maçon, heureusement. J’ai profité de ce que je savais de mon métier pour faire ces modèles de géométrie. À propos : vous avez compris mon système, il paraît.

— Il n’y a qu’à regarder et à toucher. Tenez, voulez-vous que je vous explique ? »

Prenant les plâtres que je trouvais sous la main, je refis ma démonstration.

« C’est ça ! c’est ça ! disait-il en hochant la tête. On veut enseigner aux enfants ce que c’est qu’un cône, comment on le coupe, le volume de la sphère, et on leur montre des lignes, des lignes ! Donnez-leur le cône en bois, la figure en plâtre, apprenez-leur