Page:Jules Vallès - L'Enfant.djvu/309

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du mois, je t’emmènerai à Aigues-la-Jolie. Je dirai à mon mari que je vais chez la nourrice de Joséphine, et nous partirons pour la campagne tous les deux, en garçons. Nous mangerons des pommes vertes dans le verger, et puis des truffes dans un restaurant. »

Des truffes ? Ah ! j’ai besoin de lacer mes souliers !

J’ai entendu parler des truffes une fois par un ami de mon père, devant ma mère qui a rougi.


Je suis premier, parbleu !

J’ai accouché d’une poésie latine qui a soulevé de l’admiration.

« Ne croirait-on pas entendre le gallinacé ? » a dit le professeur.

Il s’agissait encore d’un oiseau, — d’un coq.

Et j’avais fait un vers qui commençait :

Caro, cara canens (harmonie imitative.)

Nous irons donc à la campagne, comme c’est convenu.


Nous nous trouverons dans la cour de l’auberge où est la diligence pour Aigues. Le conducteur achève d’habiller les chevaux.

Je m’étais caché au coin de la rue pour la voir venir, et je ne suis arrivé qu’après elle ; j’avais peur de rester là tout seul. Si l’on m’avait demandé ? « Qui attendez-vous ? »

Elle m’a dit qu’il faudrait l’appeler « ma tante » devant le monde. Elle m’a dit cela hier, et elle me le répète aujourd’hui, en montant dans la voiture.