volté, de la douleur des miens dans ces annales-là, qui ont été écrites avec une encre qui est à peine séchée.
Comme je profite avec passion de la liberté que me laisse ma mère ! J’arrive tous les jours rue Jacob pour mettre le cœur dans les livres qui sont là, ou pour entendre le journaliste parler du drapeau républicain engagé sur les ponts, et défendu par les brigades au cri de : « Vive la nation ! — À bas les rois ! — La liberté ou la mort. »
Être libre ? Je ne sais pas ce que c’est, mais je sais ce que c’est d’être victime, je le sais, tout jeune que je suis.
Nous nous imaginons quelquefois avec Matoussaint que nous sommes en campagne, et chacun fait ses rêves.
Il voudrait, lui, le chapeau de Saint-Just aux armées, les épaulettes d’or et la grande ceinture tricolore.
Moi je me vois sergent, je dis : Allons-y ! Eh ! mes enfants ! On est tous du même pays, autour du même feu du bivouac, et l’on parle de la Haute-Loire.
Je rêve l’épaulette de laine, le baudrier en ficelle.
Je voudrais être du bataillon de la Moselle. Avec des paysans et des ouvriers. L’oncle Joseph serait capitaine et l’oncle Chadenas, lieutenant.
Nous retournerions faire de la menuiserie, ou moissonner les champs « après la victoire. »