Page:Jules Vallès - L'Enfant.djvu/358

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Rue Coq-Héron.

Le journaliste nous mène un soir à l’imprimerie, dans le rez-de-chaussée noir où le journal se tire ; il est l’ami d’un des ouvriers.

La machine roule, avale les feuilles, et les vomit, les courroies ronflent. Il y a une odeur de résine et d’encre fraîche.

C’est aussi bon que l’odeur du fumier. Ça sent aussi chaud que dans une étable. Les travailleurs sont en manches de chemise, en bonnet de papier. Il y a des commandements comme sur un navire en détresse. Le margeur, comme un mousse, regarde le conducteur, qui surveille comme un capitaine.

Un rouleau de la machine s’est cassé. — Ohé ! — oh !

On arrête, — et, cinq minutes après, la bête de bois et de fer se remet à souffler.


J’ai trouvé l’état qui me convient…

J’aurai, moi aussi, le bourgeron bleu, et le bonnet de papier gris, j’appuierai sur cette roue, je brusquerai ces rouleaux, je respirerai ce parfum, — c’est grisant, vrai ! comme du gros vin.

Compositeur ? Non. — Imprimeur, à la bonne heure ! Le beau métier, où l’on entend vivre et gémir une machine, où tout le monde à un moment est ému comme dans une bataille.