Page:Jules Vallès - L'Enfant.djvu/359

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Il faut être fort, — de grands gestes. Il y a du fer, du bruit, j’aime ça. On gagne sa vie, et l’on lit le premier le journal.


Je n’en parle pas ; je garde pour moi mon projet. Je sens que c’est une force d’être muet, quand ce que l’on veut est ce que les autres ne veulent pas. Je ne dirai rien, mais quelle joie !

Il y a un peu de vanité cruelle dans cette joie-là.

Je pense que je vais être si supérieur aux camarades qui mènent la vie de bohème ! — il n’y a pas à dire — parce qu’ils n’ont pas d’ouvrage sûr ; tandis que moi, je me ferai mes cinq francs par jour vaille que vaille, en ne fatiguant que mes bras.

Je ne dépendrai de personne, et la nuit je lirai, le dimanche j’écrirai. — Je serai d’une société secrète, si je veux. — J’aurai mangé quand j’irai, et je pourrai encore donner quelque chose pour les prisonniers politiques ou pour acheter des armes…


Vivre en travaillant, mourir en combattant !


« Jacques, j’ai reçu une lettre de ton père, qui décide que nous retournerons à Nantes pour que tu prépares ton baccalauréat avec lui. »

Je n’y pensais plus. J’étais dans la révolution jusqu’au cou, et j’aimais Paris maintenant. Cette imprimerie !… Puis nous avions été manger des ordinaires dans des crèmeries, où il venait des ouvriers qui