Page:Jules Vallès - L'Enfant.djvu/392

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Moi, je ne regrette rien. C’est un quart d’heure de passé, et j’ai vu que ça ne me faisait pas plus qu’un cautère sur une jambe de bois.

J’avais laissé un mot à ma mère le matin : « Je suis chez un camarade. »

Elle a même fait cette remarque :

« C’est mal pendant que son père est malade. »


Je suis revenu en voiture. Il a fallu de l’argent pour cette voiture ; je n’en avais pas. En arrivant, j’ai dû demander trente sous à ma mère qui m’a cru fou.

« Il prend des voitures, maintenant ! »

L’escalier est noir.

J’ai monté en me tenant la jambe, sans rien dire, et sous prétexte de migraine (on croit que j’ai bu) je suis allé me fourrer dans mon lit.

Mais une voisine, — à peine étais-je dans les draps, — lui a conté toute l’histoire. Ma mère lâche le chevet de son époux pour le mien.

« Jacques, tu as été en duel !

— Et mon père, comment va-t-il ? »


Il est dans la chambre à côté de la mienne depuis ce matin. Le médecin a fait observer qu’il y avait plus d’air. Ma mère retourne à lui.

Je ne comprends pas bien ce qu’ils disent, mais on parle de moi, elle raconte l’histoire. Je saisis des bribes.

Un bruit qui se faisait dans l’escalier s’éteint et j’entends tout.