Page:Jules Vallès - L'Enfant.djvu/52

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quand je me sens libre, je sors de la cour du Cheval-Blanc et je me mets à regarder les boutiques à loisir.


Il y a un chaudronnier en train de taper sur du beau cuivre rouge, que le marteau marque comme une croupe de jument pommelée et qui fait « dzine, dzine, » sur le carreau ; chaque coup me fait froncer la peau et cligner des yeux.

Puis c’est la boutique d’Arnaud, le cordonnier, avec sa botte verte pour enseigne, une grande botte cambrée, qui a un éperon et un gland d’or ; à la vitrine s’étalent des bottines de satin bleu, de soie rose, couleur de prune, avec des nœuds comme des bouquets, et qui ont l’air vivantes.

À côté, les pantoufles qui ressemblent à des souliers de Noël.

Mais le fils du jardinier attend.

Je m’arrache à ces parfums du cirage et à ces flamboiements de vernis.


Je prends le Breuil…

Il y a un décrotteur qui est populaire, qu’on appelle Moustache.

Mon rêve est de me faire décrotter un jour par Moustache, de venir là comme un homme, de lui donner mon pied, – sans trembler, si je puis, – et de paraître habitué à ce luxe, de tirer négligemment mon argent de ma poche en disant, comme font les messieurs qui lui jettent leurs deux sous :