Page:Jules Vallès - L'Enfant.djvu/71

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

heurs-là, et elle sait me rappeler par une fantaisie, un rien, ce qui doit être la loi d’une vie bien conduite et d’un esprit bien réglé.

« Mange-la avec du pain ! »

Cela veut dire : Jeune fou, tu allais la croquer bêtement, cette praline. Oublies-tu donc que tu es pauvre ! À quoi cela t’aurait-il profité ! Dis-moi ! Au lieu de cela, tu en fais un plat utile, une portion, tu la manges avec du pain.

J’aime mieux le pain tout seul.


LA SAINT-ANTOINE


C’est samedi prochain la fête de mon père.


Ma mère me l’a dit soixante fois depuis quinze jours.

« C’est la fête—de—ton—père. »

Elle me le répète d’un ton un peu irrité ; je n’ai pas l’air assez remué, paraît-il.

« Ton père s’appelle Antoine. »

Je le sais, et je n’éprouve pas de frisson ; il n’y a pas là le mystérieux et l’empoignant d’une révélation. Il s’appelle Antoine, voilà tout.

Je suis sans doute un mauvais fils.

Si j’avais du cœur, si j’aimais bien mon père, ce qu’elle dit me ferait plus d’effet. Je me tords la cervelle, je me frappe la poitrine, je me tâte et me gratte ; mais je ne me sens pas changé du tout, je me