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l’abandonné.

— Monsieur Spilett, dit alors Pencroff, au lieu de retourner à bord, je pense qu’il vaut mieux passer la nuit dans cette habitation.

— Vous avez raison, Pencroff, répondit Gédéon Spilett, et si son propriétaire revient, eh bien ! il ne se plaindra peut-être pas de trouver la place prise !

— Il ne reviendra pas ! dit le marin en hochant la tête.

— Vous croyez qu’il a quitté l’île ? demanda le reporter.

— S’il avait quitté l’île, il eût emporté ses armes et ses outils, répondit Pencroff. Vous savez le prix que les naufragés attachent à ces objets, qui sont les dernières épaves du naufrage. Non ! non ! répéta le marin d’une voix convaincue, non ! Il n’a pas quitté l’île ! S’il s’était sauvé sur un canot fait par lui, il eût encore moins abandonné ces objets de première nécessité ! Non, il est sur l’île !

— Vivant ?… demanda Harbert.

— Vivant ou mort. Mais s’il est mort, il ne s’est pas enterré lui-même, je suppose, répondit Pencroff, et nous retrouverons au moins ses restes ! »

Il fut donc convenu que l’on passerait la nuit dans l’habitation abandonnée, qu’une provision de bois qui se trouvait dans un coin permettrait de chauffer suffisamment. La porte fermée, Pencroff, Harbert et Gédéon Spilett, assis sur un banc, demeurèrent là, causant peu, mais réfléchissant beaucoup. Ils se trouvaient dans une disposition d’esprit à tout supposer, comme à tout attendre, et ils écoutaient avidement les bruits du dehors. La porte se fût ouverte soudain, un homme se serait présenté à eux, qu’ils n’en auraient pas été autrement surpris, malgré tout ce que cette demeure révélait d’abandon, et ils avaient leurs mains prêtes à serrer les mains de cet homme, de ce naufragé, de cet ami inconnu que des amis attendaient !

Mais aucun bruit ne se fit entendre, la porte ne s’ouvrit pas, et les heures se passèrent ainsi.

Que cette nuit parut longue au marin et à ses deux compagnons ! Seul, Harbert avait dormi pendant deux heures, car, à son âge, le sommeil est un besoin. Ils avaient hâte, tous les trois, de reprendre leur exploration de la veille et de fouiller cet îlot jusque dans ses coins les plus secrets ! Les conséquences déduites par Pencroff étaient absolument justes, et il était presque certain que, puisque la maison était abandonnée et que les outils, les ustensiles, les armes s’y trouvaient encore, c’est que son hôte avait succombé. Il convenait donc de chercher ses restes et de leur donner au moins une sépulture chrétienne.

Le jour parut. Pencroff et ses compagnons procédèrent immédiatement à l’examen de l’habitation.

Elle avait été bâtie, vraiment, dans une heureuse situation, au revers d’une