première jeunesse, et que j’eusse beaucoup
joui, j’avais encore conservé la
plus grande partie de ma fraîcheur. Sans
être décidément belle, j’avais ces agréments
qui ne se détruisent pas si vite que
la beauté, parce qu’ils se trouvent moins
encore dans le visage que dans l’esprit
et les manières ; enfin j’avais ce qu’on a
été forcé d’appeler le je ne sais quoi,
parce qu’on n’a pu encore parvenir à le
définir. Cette grâce naturelle qu’une
femme tenterait en vain de se donner,
et qui constitue ordinairement le joli,
fait souvent plus d’effet sur les hommes
que la beauté même. La raison n’en est
pas difficile à trouver : la beauté ne forme
qu’une impression unique, parfaitement
isolée ; elle ne surprend qu’une fois,
mais les grâces, les manières naissent à
chaque instant, et peuvent à tout
moment occasionner des surprises ; en
un mot, je dirai, avec Montesquieu :
une femme ne peut être belle que d’une
façon, mais elle est jolie de cent mille.
Je me rendis le lendemain à l’invita-