Page:Julien empereur - Oeuvres completes (trad. Talbot), 1863.djvu/20

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Éphèse, en Ionie ; on espérait qu’il y mourrait bientôt. Julien fut envoyé à Nicomédie, en Bithynie. Là, son éducation fut soumise à deux influences opposées. Eusèbe de Nicomédie, évêque de cour et partisan de l’arianisme, essaya de diriger les goûts de l’enfant vers l’état ecclésiastique. C’était servir à merveille les projets de l’empereur que de faire mourir au monde celui qu’on redoutait d’en voir un jour le maître. L’eunuque Mardonius, Scythe de nation, homme savant et honnête, que le grand-père maternel de Julien avait fait élever avec soin pour expliquer à Basilina les poésies d’Homère et d’Hésiode, mit tout eu œuvre pour former selon l’esprit grec les mœurs et les idées de son jeune élève. On retrouve dans les écrits de Julien les traces évidentes de ces deux courants distincts, auxquels fut livrée sa première enfance : une immense variété de notions, puisées aux sources les plus pures de la littérature latine et grecque, unie à une connaissance profonde du texte des livres saints, c’est-à-dire tous les éléments nécessaires pour faire du même homme un écrivain habile, un artisan ingénieux de style et un théologien érudit, un polémiste ardent à l’attaque et armé pour la défense. Après avoir abandonné quelque temps les jeunes princes à la discrétion de leurs premiers maîtres, Constance intervint de sa personne dans la direction de leurs études. Rassuré sans doute sur les conséquences d’une complicité impossible à deux enfants, il les réunit, mais sous bonne garde, au château de Macellum, au pied du mont Argée, près de Césarée. La situation était riante, la campagne spacieuse ; des montagnes boisées, de longues perspectives : le palais était magnifique, le service royal, une suite princière, mais ces beautés de la nature et cette pompe de la fortune n’étaient que le décor théâtral d’une prison. Là, toujours surveillés, privés des compagnons de leur âge, sevrés de tout libre entretien, nourris parmi un grand nombre de domestiques, pour ne pas dire d’espions, et contraints de s’exercer avec leurs esclaves comme avec des amis, doit-on s’étonner que leur caractère ait pris dans cette réclusion, dans cette éducation montagnarde, suivant l’expression de Julien, une tournure âpre et sauvage, qui causa plus tard la perte de Gallus, et qui justifie la dissimulation de Julien ? Adoucie en lui, épurée, comme il le dit lui-même, par la philosophie, cette rudesse se convertit en force de volonté, en concentration d’énergie, en empire absolu sur sa personne, mais aussi en défiance constante des autres. D’une