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AVANT-PROPOS

et de prononcer ensuite, en connaissance de cause, entre l’artiste et ses ennemis. C’était là un travail indispensable à faire avec un homme tel que Richard Wagner, mais un travail très délicat, comme on peut croire, et d’autant plus malaisé qu’il ne se trouve absolument rien de pareil dans tous les écrits biographiques consacrés au maître : avec tous les écrivains de France ou d’Allemagne et même avec M. Dannreuther, dont la notice anglaise est un des meilleurs travaux qui soient sur Richard Wagner, il n’y a jamais d’examen calme ni de jugement modéré. Pas de moyen terme : ou c’est tout l’un ou c’est tout l’autre ; ou Wagner est un misérable ou c’est un martyr. Eh mon Dieu ! l’absolu n’est pas de ce monde, et pour arriver à la vérité relative en ce qui concerne Richard Wagner et ceux dont il a subi les attaques sans demeurer en reste avec eux, il ne suffit pas de lancer de grands mots ; il faut examiner de près la question sous toutes ses faces, sans idée préconçue, autant que possible, et sans aveuglement.

Pour qu’un ouvrage ainsi entendu sur Richard Wagner mit bien en lumière le génie auquel on tentait de rendre un juste hommage, il fallait marquer mieux que par le récit, par des dessins, quelle opposition le maître avait rencontrée en tout pays et quelle énergie il avait dû dépenser pour venir à bout des nombreux obstacles qui se dressaient devant lui, par sa faute assez souvent, par suite de son caractère absolu. Rien non plus ne montre mieux que le dessin, qui saute aux yeux, quel revirement s’est fait dans l’opinion publique au sujet de Richard Wagner. La caricature, ici, devait donc venir en aide au texte écrit, et comme nul compositeur, pas même Rossini ni Berlioz, n’a plus inspiré la verve railleuse de ses contemporains, il n’y avait qu’à choisir parmi toutes les caricatures écloses en Allemagne, en France, en Angleterre, etc., mais en évitant toujours d’en reproduire qui fussent trop grossières ou le moins du monde blessantes pour des personnes encore vivantes.

C’est dire assez que la caricature est avant tout à mes yeux un document historique, abstraction faite de l’attaque plus ou moins vive, du trait plus ou moins envenimé qu’elle dirige contre l’homme et l’artiste. Au surplus, la caricature est devenue, en ce siècle, une des formes de la célébrité, un gage éclatant de renommée, et Wagner, qui le savait bien, ne devait pas voir d’un ccil indifférent ce déluge de croquis face-