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AVANT-PROPOS

livre un caractère de représailles. Il me plaisait d’observer une impartialité stricte entre Richard Waffncr et ses anciens détracteurs, sans user des textes que j’avais entre les mains pour divertir la galerie aux dépens de ceux-ci ; c’eut été leur faire injinimcnt trop d’honiwur que de leur prêter une nouvelle vie à l’abri du grand nom de Wagner. Donc, silence à peu près complet sur les gens qui prirent part aux polémiques d’antan, et trêve aux personnalités. Avant tout, un livre d’histoire exact, complet si faire se peut, volontairement dépourvu de solennité, où l’anecdote vérifiée aurait sa place, où la louange et la critique parleraient un langage accessible à tous, un livre enfin tel que devait l’écrire un admirateur de la veille, mais un admirateur indépendant et qui n’a jamais voulu frayer avec personne ayant tenu de près à Richard Wagner.

Je tiens à le déclarer. C’est, selon moi, une condition indispensable quand on essaie d’apprécier un artiste de cette taille, que de jouir d’une indépendance absolue et de n’avoir pas la plus petite obligation à qui serait en droit de vous la faire payer, si peu que ce fût. L’homme a vécu, l’œuvre est immortelle : il y a là tous les éléments nécessaires pour le juger, sans compter qu’on peut, de surcroit, se renseigner auprès de gens ayant pénétré dans l’intimité du maître, et c’est de quoi je ne me suis pas fait faute. Mais il y a loin de là à solliciter le moindre renseignement auprès de persoimcs qui, par échange, auraient pu demander que je soumisse le livre entier à leur approbation. Admirateur de Wagner, certes, je crois l’être ; et depuis que j’ai commencé d’écrire — il y a près de vingt ans — je n’ai jamais cessé de le défendre avec énergie, au risque de m’attirer les attaques railleuses de gens qui me reprocheraient volontiers, maintenant, d’avoir été tiède et circonspect ; mais autre chose est d’improviser un article de critique militante presque aussitôt oublié, autre chose de composer un volume d’histoire auquel l’auteur prétend qu’on se puisse reporter en toute sécurité.

Je me suis donc efforcé de faire un ouvrage entièrement impartial non seulement envers Richard Wagner, mais aussi envers ceux qui, pour une raison ou pour une autre, ont prétendu le l’ouer à l’animadversion publique ; il appartenait à l’historien de discerner le bien ou le mal fondé de ces attaques, leur origine intéressée ou leur but caché.