Page:Kahn - Symbolistes et Décadents, 1902.djvu/114

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ques occupaient la vie des poètes ; aux intervalles, ils excellaient dans la poésie fugitive ; en somme, rien ; en prose, la grande voix d’orateur de Chateaubriand se dévouait à la politique ; donc rien que Stendhal et Benjamin Constant, travaillant dans un ordre de recherches autres, issues du besoin de science et de conscience du siècle précédent. Hugo, lui, ressentait surtout qu’une langue flasque recouvrait des banalités identiques depuis trente ans, et qu’il fallait remuer les vers immobiles et mettre sur les scènes du mouvement et de la couleur, chercher des sujets partout hors dans l’antiquité régulière et trahie des classiques ; plaquer de la couleur, faire virer des personnages espagnols, Moyen Âge, Louis XIII, de tous les styles et de toutes variétés, pourvu qu’ils n’aient pas de péplum, et qu’ils puissent hurler, crier, gesticuler, pleurer, rire dans la même pièce où l’on pleurait, causer réellement entre eux, au lieu de s’avancer à deux, vers l’avant-scène et parler à la salle ; en somme, une foule de réformes, celles indiquées et ce qu’elles englobent, et qui étaient radicalement révolutionnaires et toutes bouleversantes. Une école nouvelle, de même qu’elle apporte une esthétique, contient une modification de la pensée même et des besoins de civilisation de l’époque qui la perçoit. Hugo apportait plus de pitié, une foi panthéiste qui mettait en doute la philosophie courante en se bornant au témoignage de la nature pour reconnaître un Dieu ; il créait des sensations de bois, d’ombre, de rivières ; aussi il cherchait à rendre en des rythmes des sensations de musique et d’orchestre entendus. Les préoccupations des premiers poèmes sont complexes ; c’est de