Page:Kahn - Symbolistes et Décadents, 1902.djvu/21

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cas, dans la rue ; les acclamations se croisaient parmi les éclaboussements d’injures. Charpentier couvrait Paris d’affiches ; les journaux engueulaient Zola qui ripostait, courtois, calme, technique, entêté, dans ses feuilletons du Bien public. Les quais et l’Odéon étaient alors une joie ; on n’y trouvait point Zola accaparé déjà en placements de bibliothèque, mais tous les livres de Goncourt, Manette si séduisante alors, où Chassagnol babille tant et si finement d’art, d’Ingres, de Delacroix, de Decamps, où Anatole bonimente, Manette, où un paysage de prose, alors encore tout neuf, donne, comme un Rousseau, la forêt de Fontainebleau, et Demailty où tant de portraits se coudoient depuis Champfleury jusqu’à Banville, et parmi eux Gautier, kaléidoscope amusant d’une salle de rédaction, éden entrevu dans le mirage, et tous les bouquins sur le xviiie siècle ; les grands Flaubert, La Tentation et l’Éducation, ietcs inépuisablement au rabais ou bien en donnant l’impression car les piles ne diminuaient guère ou étaient toujours renouvelés par les fées bienveillantes, les Exilés de Banville, tant qu’on en voulait, et d’autres beaux livres, tout cela s’entassait à vil prix dans un petit casier des Marpon et Flammarion, et les quais donnaient avec une abondance énorme les premières nouvelfes de Mendès, si propices à accompagner les premiers cigares, — leurs héros fument toujours-, — et l’Usurpateur, joli roman japonisant ; les Poulet Malassis, si chatoyants de talent en leur diversité, on les vendait sous les portes à côté des faux Diaz et des faux Coot, si fréquents qu’on eut pu croire que chaque concierge était peintre. On avait lu le Monde-Nouveau que publiait Charles Cros.