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symbolistes et décadents

contraire, que nulle raison, bien que constatant cette inconditionnelle nécessité, ne saurait en imaginer l’idée autrement que par un pressentiment, un vertige ; ou un désir. » (Ève future).

« Maître, je sais que selon la doctrine ancienne, pour devenir tout puissant, il faut vaincre en soi toute passion, oublier toute convoitise, détruire toute trace humaine, assujettie par le détachement. Homme, si tu cesses de limiter une chose en toi, c’est-à-dire de la désirer, si, par là, tu te retires d’elle, elle t’arrivera, féminine, comme l’eau vient remplir la place qu’on lui offre dans le creux de la main. Car tu possèdes l’être réel de toutes choses en ta pure volonté, et tu es le dieu que tu peux devenir.

Les dieux sont ceux qui ne doutent jamais. Échappe-toi comme eux par la foi dans l’Incréé. Accomplis-toi dans ta lumière astrale, surgis, moissonne, monte. Deviens ta propre fleur. Tu n’es que ce que tu penses, pense donc éternel…

Ce qui passe ou change vaut-il qu’on se le rappelle ? Qui peut rien connaître sinon ce qu’il reconnaît. Tu crois apprendre, tu te retrouves, l’univers n’est qu’un prétexte à ce développement de toute conscience. La loi, c’est l’énergie des êtres, c’est la notion vive, libre, substantielle qui, dans le sensible et l’invisible, émeut, anime, immobilise ou transforme la totalité des devenirs. Tout en palpite. Te voici incarné sous des voiles d’organisme dans une prison de rapports. Attiré par les aimants du désir, attrait originel, si tu leur cèdes, tu épaissis les liens pénétrants qui t’enveloppent. La sensation que ton esprit caresse va changer tes nerfs en