Page:Kahn - Symbolistes et Décadents, 1902.djvu/393

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Ataviquement, Louis Léclat est républicain. Dans la Fièvre, il se débat contre les mauvaises habitudes de notre vie politique, dans sa petite ville de province, semblable à toutes. Il fait la campagne électorale et le journal républicain, pour le candidat de son choix, ou au moins de son parti, car ce candidat ne le satisfait guère. Il se rend compte que, sur cette petite scène, la vie politique est tarée de toutes les compétitions particulières, par des formes nouvelles de candidature officielle, par toutes les ambitions et toutes les manœuvres suspectes que met en branle l’obtention, par la faveur du suffrage, des fonctions de député, et il part écœuré pour Paris, pour la ville large, au désintéressement plus grand.

Le Chaos nous décrit, et c’est sa meilleure qualité, de la façon la plus vive, la plus nette et la plus colorée, ces nouveaux milieux qu’a créés dans la vie politique le mouvement ouvrier. Ce sont, dans les nouveaux quartiers qui se sont aérés sur l’emplacement des anciens terrains vagues et des îlots de bâtisses poudreuses et malsaines, des réunions populaires. Il nous y présente, outre cette nouvelle classe d’ouvriers avertis, affranchis, aptes à saisir le mouvement d’idées générales, en tant qu’elles touchent à leur situation et à leur rôle politique, les meneurs des petits centres : petits patrons ratiocinateurs, employés qui utilisent leurs loisirs à lire les philosophes et les économistes ; il donne une idée juste de cette classe qui se forme, résultat de la diffusion des études primaires, sur la lisière du prolétariat et de la petite bourgeoisie. Ses personnages sont dessinés d’un contour très net ; ils ont de la vie, et sont marqués d’un