Page:Kahn - Symbolistes et Décadents, 1902.djvu/60

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

more, mit son lorgnon, leva la tête et, paraissant lire par dessus son lorgnon, droit à l’orifice de son corridor, dans une vieille redingote bleue qui avait des aspects de lévite, il me lut en pleurant quelques beaux poèmes. Cette affaire conclue et des vers promis, une lettre donnée pour prendre chez Vanier le manuscrit de l’article, je pris congé, trop tôt à mon gré et ne songeais qu’au dernier moment à assurer Verlaine d’une infime rétribution, unique dans les habitudes de la Revue ; il n’y avait pas pensé, et m’affirma qu’il n’en touchait pas d’habitude de supérieure.

Je le revis souvent Cour Saint-François. Dans ce pittoresque quartier populaire, il s’était créé une vie, il contait ses joies matinales à aller clopin-clopant chercher ses journaux place de la Bastille, et assister au chassé-croisé, alors déjà considérable, des omnibus, au passage ouvrier du faubourg Saint-Antoine. Il m’expliqua un jour, et je regrette de ne m’en point souvenir exactement, le plan d’un Louis XVII. Il n’était point tous les jours d’humeur égale et je déclinai de publier des pamphlets très courts et très vifs qu’il eut aimé décocher à qui de droit, c’est-à-dire à Mme Verlaine. Il me conta beaucoup de ce qu’il a écrit dans les Confessions (je sais bien que je ne suis pas le seul à avoir recueilli ces confidences) mais avec un brio, un relief que je n’ai pas retrouvé dans son livre, notamment une promenade au’matin dans Paris insurgé, et une lecture de la proclamation du gouvernement de la Commune, à son gré si belle, si fière et tout émanée d’anonymes, ce qui en rehaussait la valeur. Il avait rencontré ces jours-là Goncourt en garde national (ça