Page:Kahn - Symbolistes et Décadents, 1902.djvu/61

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lui paraissait très drôle). Nous étions compatriotes, étant tous deux nés à Metz, lui par accident ; car son père était capitaine du génie qui avait alors comme garnisons Arras, Metz et Montpellier, en sorte que Paul Verlaine eut pu naître félibre ; son vrai pays était l’Ardenne.

Il se rappelait fort bien impressions d’enfance, assez identiques aux miennes (la ville de province change si peu) de l’Esplanade, dont, hasard amusant, c’est Gérard de Nerval qui parla le premier dans la littérature, de l’Esplanade, superbe terrasse sur la plus jolie vallée, actuellement si bouleversée, hérissée de forts et de glacis, sur les ossuaires de 1870, qu’un Messin ne saurait retrouver après tant de terrassements une seule des mottes de terre qu’il a jadis foulées, et qu’il y a suppression totale de la petite patrie pour lui. Nous causâmes des rues silencieuses où poussait l’herbe près de l’Évêché, et des gens qui eurent comme nous le sort de naître dans cette ville ; l’idée que Pilatre des Roziers, l’aéronaute, fut notre compatriote, lui fut agréable, mais le voisinage futur dans le Douillet avec Ambroise Thomas le laissa plus froid.

C’est Nancy qui a assumé la lâche de remplacer Metz et d’en recueillir les nationaux illustres. Nous fûmes, de ce chef, un certain nombre réunis un jour chez M. Poincaré, sous la présidence de M. André Theuriet, de l’Académie française ; il s’agissait d’avoir des idées et de dresser vite les bustes de Goncourt et celui de Verlaine dans ce beau jardin de la Pépinière, encore que ces hommes de valeur n’avaient point paré l’Académie de leur reflet plus radieux que celui des