Page:Kahn - Symbolistes et Décadents, 1902.djvu/85

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attentivité non tendue. Était-elle nubile, cette jeune fille ? point que n’élucidait qu’avec un mystère une rougeur indécise, pénétrante et charmeuse, teinte dernière de ce visage, ne contrariant pas, tout au contraire, l’humide brume brunâtre des vifs yeux, presque tendrement réservés sous leurs longs cils soyeux. Lorsqu’elle dut s’éloigner, la jeune fille, je crois — foi plus chère, plus positive que toute science — qu’un prompt regard intact a coulé d’elle furtif vers l’admirateur comme vers ce qu’on ne voudrait laisser supposer oublié. »

Dans ces Nouveaux Songes, vision plus personnelle adaptée aux traductions des paysages, comme dans le livre déjà paru des Songes, l’œuvre maîtresse de M. Poictevin, toujours une profonde réflexion des lieux, des peintures, des aspects de foule, en une âme qui sait en ouvrerun entrelac sûr et personnel. Parfois, l’écrivain s’attarde à cette quasi-impossibilité de lutter avec des mots contre les couleurs et les lignes (les couleurs et les lignes étant vues comme des directions intellectuelles de sa pensée). Ces visions de civilisé très compliqué, très analyste, hanté de besoins d’abstraction, sont-elles bien les traductions des tableaux qu’il étudie ? Les hâvres qu’il se crée en des paysages presque lyriques, et féminins et imaginaires, sont-ils des paysages réels ? Il importe d’ailleurs fort peu.

Parmi ceux qui croient que la réalité subsiste surtout dans les rêves, peut-être uniquement dans les rêves, et que les choses et les êtres seraient création nulle et tout au plus mauvaise sans un large instinct de solidarité, M. Poictevin est un des plus doués intellectuellement.