Page:Kahn - Symbolistes et Décadents, 1902.djvu/84

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Toutefois nous préférons infiniment à ses Paysages les Nouveaux Songes dont la chatoyante théorie clôt le volume. Ici plus de rendu strict ; l’auteui est en son pur domaine du rêve vécu.

« Sur le vapeur de Honfleur au Havre. — Dans cette foule bigarrée, réellement gênante, qui semblait empêcher toute contemplation, car cette rumeur et ce trépignement couvraient le silence si peu frissonnant des eaux, une jeune fille se distinguait. Elle s’abstenait — cela à son insu, on le sentait bien — de ce qui eût pu prêter à une remarque même la plus favorable. — Un costume laissant une impression avenante, sans éclat gai. Je ne sais quelle pudeur baignait son regard, ne le noyait pas ; les joues avaient un jaune rose moite où hésitaient de percer quelques grains de beauté, flavescences d’aurore. Les sourcils écartés, clairsemés, un peu irréguliers à leur naissance, mais non sans douceur, indiquaient dans leur courbe une imagination qui ne se rabaisse. Le nez futé ne se relevait trop accommodant. Les dents serrées sans heurt gardaient une pâleur nacrée. Et le menton mignon, sans avancer, disait quelque volonté, muettement exprimée par les incarnadines lèvres, à intervalles, pressées, mordillées à peine. Sous le chapeau de paille h bords relevés je voyais le front se bomber, les tempes plutôt creuses, les petites oreilles s’ourler esthétiques, comme transparentes, la chcvelure se dessiner châtaine pins que blonde.

« Si gracieuse surtout demeurait la pose, tout gentiment, tranquillement changeante. Parfois, la têle avait un joH mouvement minime en avant dans une