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sent devant nous en trottinant et esquissent, sans regarder personne, une grimace souriante, puis se retirent au fumoir pour signer les pièces qui accordent la libre pratique. Je me retourne vers la terre japonaise que j’aperçois pour la première fois après trente-cinq jours de voyage.

Partis de Marseille à la veille de la guerre, nous avons successivement appris aux escales les premiers événements : la surprise du 8 février, le combat naval sous Port-Arthur, la destruction du Varyag et du Koréetz à Tchémoulpo, le débarquement d’une armée japonaise en Corée. Ces nouvelles ont entretenu et même développé, malgré la démoralisante longueur de la traversée, la curiosité un peu anxieuse qui nous animait au départ. Elles ont mêlé aux visions tirées l’idée plus précise d’une contrée se rapprochant des nôtres et d’un peuple organisé et armé comme nous.

Le premier aspect de ce pays tant désiré me produit un profond désappointement. Entre la mer noirâtre et le ciel gris, au pied d’une ligne de collines dont la cime se confond avec les nuages rapides, s’étend le port de Kobé ; il apparaît, vu du bord, comme une succession interminable de petites maisons sans couleur aux toits de tuiles grises, toutes de même construction et de dimensions identiques ; quelques grands hangars interrompent çà et là ce