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DU CONCEPT DU SOUVERAIN BIEN.


s’est posées elle-même, et en la livrant à tous les rêves et à toutes les folies de l’imagination ?

Assurément, si en prenant pour fondement la raison pratique, on la considérait comme dépendant de conditions pathologiques *[1], c’est-à-dire comme ne faisant que gérer les intérêts des penchants sous le principe sensible du bonheur, on ne saurait exiger que la raison spéculative reconnût ses prétentions. Autrement on imposerait, chacun selon son goût, ses fantaisies à la raison, les uns le paradis de Mahomet, les autres, les théosophes et les mystiques, une ineffable union avec Dieu, et autant vaudrait n’avoir pas de raison que de la livrer ainsi à tous les songes. Mais, si la raison pure peut être pratique par elle-même et l’est réellement, comme l’atteste la conscience de la loi morale, il n’y a toujours qu’une seule et même raison, qui, sous le rapport théorique ou sous le rapport pratique, juge d’après des principes a priori, et il est clair alors que, si, sous le premier rapport, elle ne va pas jusqu’à pouvoir établir dogmatiquement certaines propositions, qui pourtant ne lui sont pas contradictoires, dès que ces mêmes propositions sont inséparablement liées à son intérêt pratique, elle doit les admettre, il est vrai, comme quelque chose d’étranger ou qui n’est pas né sur son propre terrain, mais qui pourtant est suffisamment prouvé, et chercher à les comparer et à les enchaîner avec tout ce qu’elle possède comme raison spéculative. Seulement qu’elle n’oublie pas qu’il ne s’agit pas ici pour elle d’une vue plus pénétrante,

  1. * als pathologisch bedingt.