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DU CONCEPT DU SOUVERAIN BIEN.


par la loi morale. Mais la parfaite conformité des intentions de la volonté à la loi morale est la condition suprême du souverain bien. Elle doit donc être possible aussi bien que son objet, puisqu’elle est contenue dans l’ordre même qui prescrit de le réaliser. Or la parfaite conformité de la volonté à la loi morale, ou la sainteté est une perfection dont aucun être raisonnable n’est capable dans le monde sensible, à aucun moment de son existence. Et puisqu’elle n’en est pas moins exigée comme pratiquement nécessaire, il faut donc la chercher uniquement dans un progrès indéfiniment continu *[1] vers cette parfaite conformité ; et, suivant les principes de la raison pure pratique, il est nécessaire d’admettre ce progrès pratique comme l’objet réel de notre volonté.

Or ce progrès indéfini n’est possible que dans la supposition d’une existence et d’une personnalité indéfiniment persistantes de l’être raisonnable (ou de ce qu’on nomme l’immortalité de l’âme). Donc le souverain bien n’est pratiquement possible que dans la supposition de l’immortalité de l’âme ; par conséquent, celle-ci, étant inséparablement liée à la loi morale, est un postulat de la raison pure pratique (par où j’entends une proposition théorique, mais qui comme telle ne peut être démontrée, en tant que cette proposition est inséparablement liée à une loi pratique, ayant a priori une valeur absolue).

Cette proposition touchant la destination morale de notre nature, à savoir que nous ne pouvons arriver à

  1. * In einem ins Unendliche gehenden progressus.