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Page:Kant-Fondements de la métaphysique des moeurs, trad. Lachelier, 1904.djvu/107

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DEUXIÈME SECTION


haut, et en commençant par les devoirs nécessaires envers soi-même : Premièrement, celui qui médite lo suicide devra se demander si une telle action peut s’accorder avec l’idée de l’humanité conçue comme fin en elle-même. Si pour échapper à une situation difficile, il se détruit lui-même, il se sert d’une personne comme d’un simple moyen pour conserver jusqu’à la fin « lésa vie un état supportable*. Mais l’homme n’est pas une chose dont on puisse user seulement comme d’un moyen, il doit dans toutes ses actions se considérer comme fin en soi. Je ne peux donc pas disposer de l’humanité dans ma personne, la mutiler, la dégrader, la détruire (Il serait nécessaire de déterminer exactement ce principe pour éviter tout malentendu, par exemple dans le cas où pour sauver mes jours je consens à l’ampulalion d’un membre, où j’expose ma vie à un danger en vue do la conserver* ; mais je passe maintenant sur ces difficultés qui regardent la moralo proprement dite).

Secondement, pour ce qui est du devoir nécessaire ou strict envers autrui, celui qui songe à faire aux autres une promesse trompeuse s’apercevra tout do suite qu’il veut se servir d’un autre homme comme d’un simple moyen, comme si cet homme no contenait pas en lui-même une fin en soi ; car cet homme que je veux faire servir à mes desseins, au moyen d’une telle

1. Singulier raisonnement^ Il faut, pour comprendre la pensée de Kant, distinguer en nous deux personnes : la personne humaine considérée comme ayant une valeur absolue, c’est-à-dirê la personne raisonnable qui conçoit le devoir (ce que Kant appelle l’humanité en nous), et la personne physique ou empirique (1 animal en nous). Or l’homme qui se suicide sacrifie les fins de la personne raisonnable aux lins de la personne empirique

empirique veut cesser de souffrir. Voir Doctrine de la vertu, l" Division (Devoirs envers soimême).

2. Dans la Doctrine de la vertu, Kant autorise ces suicides partiels quand ils sont nécessaires [tour atteindre un but moral, par exemple sauver mes jours ; il les défend quand ils ont pour but un vil intérêt, par exemple : se frire arracher une dent, couper les cheveux, pour les vendre