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Page:Kant-Fondements de la métaphysique des moeurs, trad. Lachelier, 1904.djvu/36

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INTRODUCTION


pratique, quelque chose do plus qu’une hypothèse. L’hypothèse résulle d’un simple besoin de la raison sjiéeulalivc ; ainsi, après avoir constaté dans la nature l’existence de l’ordre de la (inalité, j’ai besoin, pour me les expliquer, de supposer un être souverainement intelligent, bon et puissant, qui en soilla cause. Mais celle supposition, commode pour la raison, resle toujours 1 incertaine et douteuse, au moins théoriquement. Ce n’est que t l’opinion la plus raisonnable pour nous autres hommes ». Les postulais nu contraire répondent àdes besoins de la raison pratique, besoins fondés sur le devoir ; orledevoir lui-même n’est pas un postulât, c’est une loi indépendante de toute supposition, qui se révèle à nous comme uj>odicliqucmenl certaine. Cela posé, lorsque le devoir exige catégoriquement que j’agisse d’une certaine manière, il m’est absolument nécessaire de supposer les conditions qui rendent cette manièrjc d’agir possible. Kn matière spéculalive, je ne suis pas obligé de faire des hypothèses, parce que je |>eux demeurer dans l’ignorance, en matière pratique j’ai un « besoin absolument nécessaire » de supposer ce sans quoi je ne |iourrais jias agir, car je dois agir. Si donc la loi du devoir m’oblige d’une manière quelconque à admettre l’immortalité de l’âme et l’existence de Dieu, je devrai nécessairement croire que l’âme est immortelle et qu’il y a un Dieu. Mais pour quelle raison le devoir exigc-l-il de moi cette double croyance, voilà ce qu’il faul maintenant —établir ? Il nous faut, pour résoudre ce problème, expliquer le rôle que joue le bonheur dans la morale de l’impératif catégorique*.

La bonne volonté n’est pas, nous le savons, la volonté qui aspire au bonheur, mais la volonté qui accomplit la loi par respect i>our la loi. Le but qu’elle poursuit dès ici-bas est de s’affranchir progressivement des inclinations et de tous les mobiles sensibles et de se rapprocher ainsi d’un idéal de saintelé, qui consisterait dans une juirfaitc conformité à la loi morale. Mais, en luttant conlre la nalure jwur nous j>crfeclionner, si nous ne cherchons pas le bonheur, nous nous rendons dignes d’être heureux. Il nous est inqiossible d’admettre que le bonheur ne se joigne pas à la perfection morale : le bon sens populaire, auquel Kant accorde en morale un si

I. Voir Critique (te ta liaison pratique, Pari. I, liv. JI, ohap. II. Un concept du souverain lien, S. VIII.