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Page:Kant-Fondements de la métaphysique des moeurs, trad. Lachelier, 1904.djvu/94

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FONDEMENTS DE LA MÉTAPHYSIQUE DES MŒURS.

S’il est vrai que l’universalité de la loi suivant laquelle certains effets se produisent constitue ce que l’on appelle proprement la Nature, dans le sens le plus général de ce mot (quant à la formc), c’est-à-dire la réalité extérieure, en tant qu’elle est déterminée par des lois universelles, peut-être pourrait-on aussi exprimer l’impératif universel du devoir ainsi qu’il suit : Agis comme si la maxime de ton action devait, par la volonté, être érigée en loi universelle de la nature 1[1].

Nous allons maintenant prendre pour exemples quelques devoirs en suivant la classification habituelle en devoirs envers soi-même et envers les autres hommes, en devoirs parfaits et devoirs imparfaits 2[2] *[3].[4]

1. Un homme, à la suite d’une série de malheurs qui

  1. 1. Kant appelle Nature, dans la Critique de la Raison pure, un système de choses obéissant à des lois universelles et nécessaires. Ce mot ne s’applique pas seulement au monde physique, il peut aussi s’appliquer à un monde supra-sensible, au monde des purs noumènes. La pensée de Kant est que la loi morale n’est autre chose que la loi des volontés noumenales, c’est-à-dire de la nature intelligible, mais il croit que cette loi peut être en même temps la loi des volontés phénoménales et du monde sensible (cf. Critique de la Raison pratique : Déduction des principes de la raison pure pratique, Barni, p. 194 Picavet p. 72).
  2. 2. Les devoirs parfaits sont les devoirs de stricte justice, devoirs nettement déterminés, sans exceptions et exigibles. Les devoirs imparfaits sont des devoirs indéterminés, n’ayant pas le caractère de stricte rigueur des premiers. Dans les quatre exemples qu’il va donner, Kant se propose de montrer qu’une maxime immorale ne peut être érigée en loi universelle de la nature sans se contredire.
  3. * On remarquera ici que je me réserve absolument de classer les devoirs dans une future Métaphysique des mœurs, et que je n’adopte ici cette division que parce qu’elle est commode (pour classer mes exemples). D’ailleurs j’entends ici, par devoir parfait, celui qui n’admet aucune exception en faveur de l’inclination, et j’obtiens ainsi des devoirs parfaits non seulement extérieurs mais intérieurs, ce qui est contraire à la terminologie acceptée dans les écoles ; mais je n’ai pas ici l’intention de justifier cette conséquence, car il est indifférent pour le but que je me propose qu’on y souscrive ou non 3 (N. de K.).
  4. 3. Dans la Métaphysique des mœurs, Kant classe les devoirs de la manière suivante : 1° Devoirs de