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Page:Kant-Fondements de la métaphysique des moeurs, trad. Lachelier, 1904.djvu/97

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DEUXIÈME SECTION


qu’avec sa tendance au plaisir. Il voit bien qu’à la vérité une nature, qui aurait une loi universelle de ce genre, pourrait encore subsister, même si l’homme, (comme certains indigènes des mers du Sud), laissait en friche tous ses talents el se résignait à donner sa vie à l’oisiveté, aux divertissements, à la débauche, en un mot au plaisir ; mais il est impossible qu’il veuille que cette maxime devienne une loi universelle de la nature, ni qu’elle existe en nous à ce litre en vertu d’un instinct naturel. En effet, en sa qualité d’être raisonnable, il veut nécessairement que toutes ses facultés atteignent leur plein développement parce qu’elles lui ont été données el lui servent pour lotîtes sortes de fins possibles.

Enfin un quatrième, dont les affaires sont prospères, voyant d’autres hommes aux prises avec de grandes difficultés (et pouvant fort bien les aider) se dit : que m’importe après tout ? que chacun jouisse du bonheur que le ciel lui accorde ou qu’il peut lui-même se procurer, je ne lui en retirerai aucune parcelle, je ne l’envierai même pas. Mais quant à contribuer à son bonheur, quant à le secourir dans le malheur, je ne m’en soucie nullement. Supposons maintenant que cette manière de penser devienne une loi universelle de la nature, l’espèce’humaine subsisterait sans doute et bien mieux, certes, que si chacun parlait de sympathie el « le bienveillance, s’empressait même à l’occasion d’exercer ces vertus, mais en revanche ne se faisait pas faute de tromper quand’il le pourrait, île vendre les droits d’aulrui ou de les violer. Mais quoiqu’il soit possible qu’une loi de la nature conforme à celle maxime puisse subsister, on ne peut pourtant lias vouloir qu’un pareil principe ail partout In valeur d’une loi de la nature. Car une volonté qui voudrait une telle chose se contredirait elle-même : il peut en