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MONDE SENSIBLE

beaucoup cependant de prévenir que ceux qui raisonnent aussi mal tombent dans la plus grave erreur ; car tout ce qui répugne aux lois de l’entendement et de la raison est assurément impossible, mais il n’en est pas ainsi de l’objet de la raison pure, qui n’est pas seulement soumis aux lois de la connaissance intuitive. Et ce désaccord entre la sensibilité et l’entendement (deux facultés dont je ferai bientôt connaître le caractère) ne prouve qu’une chose, c’est que les idées abstraites qui proviennent de l’entendement sont faites in concreto, et ne peuvent souvent passer en intuitions. Mais cette répugnance subjective ressemble beaucoup à quelque répugnance objective,

    coup de peine : ils fabriquent telle une définition de l’infini, qu’ils peuvent en déduire quelque contradiction. Infini pour eux signifie une quantité telle qu’il n’y en a pas de plus grande possible, et mathématique veut dire : multitude (d’unités possibles) telle qu’il n’y en a pas de plus grande possible. Et comme ils mettent ici le plus grand possible pour l’infini, et que le plus grand nombre possible est impossible, ils concluent sans peine contre l’infini qu’ils ont imaginé. Ou bien ils appellent multitude infinie un nombre infini, et disent que ce nombre infini est absurde ; ce qui est évident, mais qui ne répugne qu’avec les ombres de la pensée. Mais s’ils avaient conçu l’infini mathématique, ou la quantité, comme quelque chose de relatif à une mesure comme unité ; la multitude eût été alors plus grande que tout nombre ; si de plus ils avaient remarqué que la mesure (mensurabilitatem) n’indique ici qu’un rapport à un procédé de l’entendement humain, par lequel il ne peut atteindre à la notion définie de multitude qu’en ajoutant successivement une chose à une autre, et en achevant dans un temps fini cette progression vers le complet, qui s’appelle nombre, ils eussent vu clairement : « que ce qui ne s’accorde pas avec une certaine loi d’un certain sujet n’est pas pour cela absolument inintelligible, puisqu’il peut y avoir un entendement qui, sans être l’entendement humain, aperçoive d’un seul regard une multitude sans application successive de mesure. »