Page:Kant-Mélanges de Logique (trad. Tissot), 1862.pdf/61

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tion. Mais je veux t’immoler avec tes propres armes. Voyons : qu’est-ce qui te fait penser qu’on doit se former plus aisément, selon toi, une notion de la liberté ?

Caius. — Je pense, en effet, que si tu faisais bon marché de tout cet enchaînement de raisons qui se déterminent par un événement inflexible, si tu admettais que l’homme, dans toute action libre, se prononce indifféremment dans un sens ou dans un autre, et que, posé toutes les raisons déterminantes dans une situation quelconque, il peut cependant choisir à volonté entre un parti et un autre, alors je reconnaîtrais que la question de la liberté a été bien traitée.

Titius. — Juste ciel ! si quelque divinité permettait que ton souhait fût exaucé, quels malheurs ne viendraient pas continuellement t’assaillir ? Suppose que tu aies résolu d’entrer dans la voie de la vertu. Suppose que tu aies fortifié ton âme des préceptes de la religion, et de tout ce qui peut affermir de bonnes résolutions. Maintenant s’offre l’occasion d’agir. Tu tombes subitement dans le mal, car les raisons qui t’invitent ne te déterminent pas. Quelles plaintes ne seront pas les tiennes ? Il me semble t’entendre. Ah ! quel destin ennemi m’a fait tout à coup abandonner une résolution salutaire ! À quoi sert-il de s’attacher aux préceptes de la vertu, puisque nos actions dépendent de la fortune,