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DE LA BIENFAISANCE.


partiennent l’envie, l’ingratitude et la joie causée par le malheur d’autrui ; à ceux de la seconde, l’injustice, l’infidélité (la fausseté), le dérèglement, soit dans la dissipation de ses biens, soit dans celle de la santé (intempérance) et de l’honneur. Les vices de la troisième espèce sont la dureté du cœur, l’avarice, la paresse (la mollesse).

Les vertus sont de pur mérite, ou d’obligation stricte, ou d’innocence. Aux premières appartiennent la grandeur d’âme (qui consiste à se vaincre soi-même, soit dans le colère, soit dans l’amour du bien-être, soit dans celui des richesses), la bienfaisance, la domination de soi-même ; aux secondes, la loyauté, la bienséance et la douceur ; aux troisièmes enfin, la bonne foi, la modestie et la tempérance.

C’est une question si l’homme est par sa nature moralement bon ou mauvais. Je réponds qu’il n’est ni l’un ni l’autre, car il n’est pas naturellement un être moral ; il ne le devient que quand il élève sa raison jusqu’aux idées du devoir et de la loi. On peut dire cependant qu’il a en lui originairement des penchants pour tous les vices, car il a des inclinations et des instincts qui le poussent d’un côté, tandis que sa raison le pousse d’un autre. Il ne saurait donc devenir moralement bon qu’au moyen de la vertu, c’est-à-dire d’une contrainte exercée sur lui-même, quoiqu’il puisse être innocent tant que ses passions sommeillent.

Les vices résultent pour la plupart de ce que l’état de civilisation fait violence à la nature, et pourtant notre destination comme hommes est de sortir du pur état de nature où nous ne sommes que comme des animaux. L’art parfait retourne à la nature.