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DE L’INÉGALITÉ DES HOMMES.


lui faire remarquer. On ne doit pas même lui permettre de donner des ordres aux domestiques. S’il remarque que ses parents commandent aux domestiques, on peut toujours lui dire : Nous leur donnons du pain, et c’est pour cela qu’ils nous obéissent ; tu ne veux pas faire cela, eh bien ! nous n’avons pas besoin de t’obéir. Les enfants ne savent rien de cette différence, si les parents ne leur en donnent pas eux-mêmes l’idée. Il faut montrer à l’adolescent que l’inégalité des hommes est une disposition qui vient de ce que certains hommes ont cherché à se distinguer des autres par certains avantages. La conscience de l’égalité des hommes dans l’inégalité civile peut lui être peu à peu inculquée.

Il faut accoutumer le jeune homme à s’estimer absolument et non d’après les autres. L’estime d’autrui, dans tout ce qui ne constitue nullement la valeur de l’homme, est affaire de vanité. Il faut en outre lui enseigner à avoir de la conscience en toute chose, et à s’efforcer non-seulement de paraître, mais d’être. Habituez-le à veiller à ce que, dans aucune circonstance où il a une fois pris sa résolution, elle ne devienne une vaine résolution ; il vaudrait mieux n’en prendre aucune, et laisser la chose en suspens ; — enseignez-lui la modération à l’endroit des circonstances extérieures et la patience dans les travaux : sustine et abstine ; — enseignez-lui aussi la modération dans les plaisirs. Quand on ne désire pas seulement des plaisirs, mais qu’on sait aussi être patient dans le travail, on devient un membre utile de la communauté et on se préserve de l’ennui.

Il faut de plus instruire le jeune homme à se montrer enjoué et de bonne humeur. La sérénité du cœur ré-