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L'ÉDUCATION DU CORPS.


physique, et celle- même n’est un besoin que pour l’homme, vient une éducation que Kant appelle encore physique, parce qu’elle est la culture de nos aptitudes naturelles, et qui comprend l’éducation des sens, de l’intelligence, et une discipline toute mécanique de la volonté. Après quoi il restera à l’éducation à faire plus et mieux qu’un être naturel, nous avons dit : un être moral.

Certes, cette conception pédagogique ne ressemble guère à celle que répand parmi nous la propagande positiviste. Loin d’être la contemplation passive et le culte servile des instincts de l’enfant, l’éducation est une infatigable ascension et un constant effort pour sortir de la nature. Loin d’être rivée aux préoccupations utilitaires, elle en est le détachement et l’oubli ; et le mot intérêt, si souvent prononcé par Spencer, l’est à peine une fois par Kant. Pour l’un et pour l’autre nos différentes facultés, et les différents genres d’éducation qui leur conviennent, forment une hiérarchie. Mais l’un regarde toujours en bas, l’autre toujours au sommet de l’échelle. Pour l’un il s’agit avant tout d’élever un animal et qui vive. Pour l’autre l’éducation a justement comme fin de convertir cet animal en homme, et qui pense, et qui veuille. La tâche commence vraiment pour Kant là où pour Spencer elle s’arrête le plus souvent. Le luxe de celui-ci est le nécessaire de celui-là. L’un rêverait sur le berceau de l’enfant à un solide gaillard qui serait aussi un heureux et un habile, l’autre à ce serviteur désintéressé que le devoir demande et que les passions humaines lui disputent. C’est que nous cherchons à faire de l’enfant un homme tel que nous concevons l’homme ; c’est que notre pédagogie ressemble toujours à notre métaphysique.

Mais, pour être haut placé, l’idéal de Kant n’est pas suspendu en l’air, et ce serviteur, d’un devoir absolu qu’il cherche ne doit pas être une abstraction sans corps et sans vie physique. Un souci domine tous les autres, mais ne les supprime pas ; et l’élève de Kant est bien en chair et en os. Il ne rap-


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