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L'ÉDUCATION MORALE.


fait hommes ? Kant se plaint qu’on se préoccupe trop peu de la faire connaître et qu’on laisse le soin de l’éducation morale à des prédicateurs qui, s’adressant à tous les sentiments et surtout à la peur, terrorisent les àmes qu’ils ne moralisent point. Il faudrait apprendre aux enfants à trouver en eux-mêmes une loi dont l’autorité échapperait par cette origine à leurs doutes et à leurs révoltes. C’est dire qu’il faudrait imiter Socrate. Mais comme tous les maîtres ne sont pas des Socrates, on pourrait apporter à leur enseignement oral le secours de petits livres qui seraient de véritables catéchismes de nos devoirs. Kant a donné ailleurs de ces catéchismes une esquisse un peu sèche et un peu sévère. Mais dans son traité même de Pédagogie, il propose un exemple de ces cas de conscience dont la solution facile serait selon lui, une utile leçon pour la raison de l’enfant, qu’elle mettrait en garde du même coup contre ses sentiments, même bons. Vous avez une dette dont c’est aujourd’hui l’échéance. Un malheureux vient à passer qui excite votre pitié. Lui donnerez-vous la somme que vous devez à un autre ? c’est-à-dire manquerez-vous à un devoir par bonté d’âme ? ferez-vous le mal pour faire le bien que vous n’avez ni le moyen ni le droit de faire ? — On voit par là que toute la morale et la casuistique rentreraient au besoin dans la pédagogie, à laquelle tout tient. et qui tient à tout.

Mais Kant s’est borné à quelques conseils généraux dont nous voudrions seulement fixer et retenir l’esprit. Les hommes devant agir par principes, ce sont des principes qu’il faut inculquer aux enfants, et le principe des principes est l’idée de dignité humaine, qui devenant sensible, se traduit en respect. Respecter autrui, se respecter soi-même, c’est-à-dire respecter l’humanité en autrui et en soi-même, tel est le résumé de la morale, et initier à ce respect est le dernier acte de l’éducation. Le temps est passé de la discipline qui ne dit pas ses raisons ; le temps est passé de l’obéissance aveugle. Il reste à trouver au dedans de l’âme


thamin. — Pédag. de Kant. 2