Page:Kant-Traité de pédagogie (trad. Barni), 1886.pdf/53

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
46
KANT. — PÉDAGOGIE.


la nature humaine est capable ; nous-mêmes nous ne la possédons pas encore dans toute sa pureté. Aussi bien est-il certain que tous les efforts individuels qui ont pour but la culture de nos élèves ne pourront jamais faire que ceux-ci viennent à remplir leur destination. Ce ne sont pas les individus, mais l’espèce seule qui peut arriver à ce but.

L’éducation est un art dont la pratique a besoin d’être perfectionnée par plusieurs générations. Chaque génération, munie des connaissances des précédentes, est toujours plus en mesure d’arriver à une éducation qui développe dans une juste proportion et conformément à leur but toutes nos dispositions naturelles, et qui conduise ainsi toute l’espèce humaine à sa destination. — La Providence a voulu que l’homme fût obligé de tirer le bien de lui-méme, et elle lui dit en quelque sorte : « Entre dans le monde. J’ai mis en toi toutes sortes de dispositions pour le bien. C’est à toi qu’il appartient de les développer, et ainsi ton bonheur ou ton malheur dépend de toi. » C’est ainsi que le Créateur pourrait parler aux hommes.

L’homme doit d’abord développer ses dispositions pour le bien ; la Providence ne les a pas mises en lui toutes formées ; ce sont de simples dispositions, et il n’y a pas encore là de distinction de moralité. Se rendre soi-méme meilleur, se cultiver soi-même, et, si l’on est mauvais, développer en soi la moralité, voilà le devoir de l’homme. Quand on y réfléchit mûrement, on voit combien cela est difficile. L’éducation est donc le problème le plus grand et le plus ardu qui nous puisse être proposé. Les lumières en effet dépendent de l’éducation, et à son tour l’éducation dépend des lumières.