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MÉTHODE SOCRATIQUE

La raison nous fait apercevoir les principes. Mais il faut songer qu’il s’agit ici d’une raison qui n’a pas encore été dirigée. Elle ne doit donc pas toujours vouloir raisonner, mais elle doit prendre garde de trop raisonner sur ce qui dépasse nos idées. Il ne s’agit pas encore ici de la raison spéculative, mais de la réflexion sur ce qui arrive suivant la loi des effets et des causes. Il y a une raison pratique soumise à son empire et à sa direction.

La meilleure manière de cultiver les facultés de l’esprit, c’est de faire soi-même tout ce que l’on veut faire, par exemple de mettre en pratique la règle grammaticale que l’on a apprise. On comprend surtout une carte géographique, quand on peut l’exécuter soi-même. Le meilleur moyen de comprendre, c’est de faire. Ce que l’on apprend le plus solidement et ce que l’on retient le mieux, c’est ce que l’on apprend en quelque sorte par soi-même. Il n’y a pourtant qu’un petit nombre d’hommes qui soient en état de le faire. On les appelle en grec αὐτοδίδακτοι.

Dans la culture de la raison il faut procéder à la manière de Socrate. Celui-ci en effet, qui se nommait l’accoucheur des esprits de ses auditeurs, nous donne dans ses dialogues, que Platon nous a en quelque sorte conservés, des exemples de la manière d’amener même des personnes d’un âge mûr à tirer certaines idées de leur propre raison. Il y a beaucoup de points sur lesquels il n’est pas nécessaire que les enfants exercent leur esprit. Ils ne doivent pas raisonner sur tout. Ils n’ont pas besoin de connaître les raisons de tout ce qui peut concourir à leur éducation ; mais, dès qu’il s’agit du devoir, il faut leur en faire connaître les prin-