Page:Kant - Éléments métaphysiques de la doctrine du droit.djvu/339

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Supposez en effet que l’omission de cet acte de possession n’ait pas cette conséquence, qu’un autre puisse fonder sur une possession régulière et de bonne foi (possessio bonæ fidei) une possession irréfragable en droit[1] (possessio irrefragabilis), et regarder comme acquise par lui la chose qui est en sa possession, il n’y aurait pas d’acquisition péremptoire (assurée), mais toutes seraient purement provisoires (intérimaires), car l’histoire ne saurait faire remonter ses investigations jusqu’au premier possesseur et à son acte d’acquisition. — La présomption[2] sur laquelle se fonde l’usucapion (usucapio) n’est donc pas seulement légitime (permise, justa) comme conjecture[3], mais elle a aussi un caractère juridique[4] (præsumptio juris et de jure) comme supposition légale (suppositio legalis). Celui qui néglige de documenter son acte de possession a perdu son droit sur les possesseurs ultérieurs, et la longueur du temps pendant lequel il a commis cette négligence (qui ne peut être déterminé et n’a pas besoin de l’être) ne sert qu’à donner plus de certitude à cette omission. Car qu’un possesseur jusque-là inconnu puisse toujours revendiquer la chose (dominia rerum incerta facere), quand l’acte de possession a été interrompu (sans même qu’il y eût de sa faute), c’est ce qui est contraire au précédent postulat de la raison juridiquement pratique.

Que s’il est membre d’un État, c’est-à-dire s’il vit dans la société civile, l’État peut (en le représentant) lui maintenir sa possession, quoiqu’elle ait été inter-

  1. Einen zu Recht bestaendigen.
  2. Praesumtion.
  3. Als Vermüthung.
  4. Als Voraussetzung nach Zwangsgesetzen.