Page:Kant - Éléments métaphysiques de la doctrine du droit.djvu/508

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éloignées les unes des autres peuvent contracter des relations amicales, qui finissent par recevoir la sanction des lois publiques, et le genre humain se rapprocher insensiblement d’une constitution cosmopolitique.

Si maintenant on examine la conduite inhospitalière des États de l’Europe, particulièrement des États commerçants, on est épouvanté de l’injustice qu’ils montrent dans leur visite aux pays et aux peuples étrangers (visite qui est pour eux synonyme de conquête). L’Amérique, les pays habités par les nègres, les îles des épiceries, le Cap, etc., furent, pour ceux qui les découvrirent, des pays qui n’appartenaient à personne, car ils comptaient les habitants pour rien. Dans les Indes orientales (dans l’Indostan), sous prétexte de n’établir que des comptoirs de commerce, les Européens introduisirent des troupes étrangères, et par leur moyen opprimèrent les indigènes, allumèrent des guerres entre les différents États de cette vaste contrée, et y répandirent la famine, la rébellion, la perfidie et tout le déluge des maux qui peuvent affliger l’humanité.

La Chine[1] et le Japon, ayant fait l’essai de pareils hôtes,

  1. Si l’on veut appeler ce grand royaume du nom dont il se désigne lui-même (à savoir China et non Sina, ou quelque son analogue), on n’a qu’à consulter Georgit Alphab. Tibet., p. 651-654, particulièrement Nota b. — Il n’y a pas proprement, d’après la remarque du professeur de Pétersbourg, Fischer de nom déterminé par lequel il se désigne lui-même ; le nom le plus usité est encore le mot Kin, c’est-à-dire Or (que les Tibétains appellent Ser), d’où le nom de roi de l’Or (c’est-à-dire du plus magnifique pays du monde) que l’on donne à l’empereur, et il est très possible que ce mot, dans le royaume même, se prononce Chin, mais que les missionnaires italiens l’aient prononcé Kin à cause de la gutturale). — On voit par là que le pays appelé par les Romains pays des Sères était la Chine, mais que la soie arriva à l’Europe à travers le Grand Tibet (probablement par le petit Tibet et la Bucharie au delà de la Perse), ce qui conduit, au moyen des relations avec le Tibet et par le Tibet avec le Japon, à diverses considérations sur l’ancienneté de cet État extraordinaire, relativement à celle de l’Indostan, tandis que le nom de Sina ou de Tschisna, que les voisins doivent donner à ce pays, ne mène à rien. — Peut-être peut-on expliquer les relations fort anciennes, mais qui n’ont jamais été bien connues, de l’Europe avec le Tibet, par ce que Hesychius nous en a conservé, c’est-à-dire par le cri Κόγξ Όμπαξ (Konx Ompax) de l’hiérophante dans les mystères d’Eleusis (V. Voyage du jeune Anacharsis, vo partie). En effet, d’après Georgii Âtph. Tibet., le mot Concioa, qui a de l’analogie avec Konx, signifie Dieu ; et Pah-cio (ibid. p. 520), que les Grecs peuvent aisément avoir prononcé pax, le promulgator legis, la divinité répandue par toute la nature (on l’appelait aussi Cencresi, p. 177) ;