Page:Kant - Éléments métaphysiques de la doctrine du droit.djvu/573

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sa pensée n’excite des troubles dans l’État, c’est éveiller en lui de la défiance à l’endroit de son propre pouvoir, ou même de la haine contre son peuple.

Le principe général, en vertu duquel un peuple a ce droit négatif, c’est-à-dire le droit de juger simplement ce qui, dans la législation suprême, pourrait être considéré comme n’étant pas décrété avec la meilleure volonté possible, est contenu dans cette proposition : ce qu’un peuple ne peut pas décider pour lui-même, le législateur ne peut pas non plus le décider pour le peuple.

S’agit-il par exemple de savoir si une loi, qui prescrit comme devant durer toujours une certaine constitution ecclésiastique une fois établie, peut être regardé comme émanant de la propre volonté du législateur (comme conforme à son intention). Qu’on se demande d’abord si un peuple peut se faire une loi décrétant que certains dogmes de foi et certaines formes extérieures de religion, une fois acceptées, doivent toujours subsister, et par conséquent s’il peut s’interdire à lui-même, dans sa postérité, de pousser plus avant ses idées religieuses ou de réformer ses anciennes erreurs. Or il est clair qu’un contrat originaire du peuple, qui érigerait cela en loi, serait de soi nul et non avenu, car il irait contre la destination et la fin de l’humanité. Donc une telle loi ne peut pas être considérée comme la volonté propre du monarque, et l’on peut par conséquent lui adresser des représentations à ce sujet. — Dans tous les cas, si quelque chose de pareil était décrété par la législation suprême, chacun pourrait sans doute le juger publiquement, mais sans jamais faire appel à une résistance qui se manifestât par des paroles ou par des actes.

ll doit y avoir dans toute république une obéissance au mécanisme de la constitution civile qui se fonde sur des lois de contrainte (lesquelles vont au tout), mais en même temps un esprit de liberté, puisque, en ce qui touche le devoir général des hommes, chacun a besoin d’être convaincu par la raison que cette contrainte est légitime, et qu’elle ne tombe pas en contradiction avec elle-même. L’obéissance sans la liberté est la cause occasionnelle de toutes les sociétés secrètes. Car c’est un penchant naturel chez les hommes de se communiquer leurs idées, surtout sur ce qui les concerne en général ; ces sociétés tomberaient donc d’elles-mêmes, si cette liberté était favorisée.