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DE L'ILLUSION


nuits ; elle dispute avec un adversaire qu’elle s’est forgé, ou bien elle se fabrique des chimères en voyageant autour de sa chambre. Mais tout ce qui lui semble être important perd toute sa valeur au réveil du lendemain matin, et le temps amène un relâchement sensible des facultés de l’âme à propos de cette mauvaise habitude. C’est donc une règle de psychologie diététique très utile, de mettre un frein à son imagination en se couchant tôt, afin de pouvoir se lever de bonne heure ; mais les femmes et les hypocondriaques (qui le sont le plus souvent par cette raison) préfèrent la vie contraire. — Pourquoi entend-on plus volontiers encore dans une nuit avancée des histoires de revenants qui, le matin, au réveil, paraîtraient insipides à tout le monde, et seraient tout à fait impropres à défrayer la conversation, quand au contraire on se demande ce qu’il y a de nouveau chez les particuliers ou dans l’Etat, ou que l’on poursuit sa tâche de la veille ? C’est que ce qui n’est qu’un jeu en soi est en harmonie avec le relâchement des facultés épuisées pendant le jour, et que ce qui est une affaire est plus d’accord avec les forces réparées, et comme renouvelées par le repos de la nuit.

Les défauts (vitia) de l’imagination sont de forger des fictions sans frein ou sans règle {effrenis aut perversa). Le dernier défaut est le plus fâcheux. Les fictions de la première espèce pourraient cependant bien trouver leur place dans un monde possible (celui des fables) ; mais les autres non, parcequ’elles sont contradictoires. — Il faut mettre au rang des imaginations