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Page:Kant - Anthropologie.djvu/228

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DES ÉMOTIONS ET DE LA PASSION. 217

peu de passion; comme chez les Français, dont la vivacité est très mobile, en comparaison des Italiens et des Espagnols (ainsi que des Indiens et des Chinois), qui couvent leur vengeance dans la rancune, ou s'opi-niâtrent dans leur amour jusqu'à l'égarement. — Les émotions sont loyales et ouvertes; les passions sont rusées et dissimulées. Les Chinois reprochent aux Anglais d'être impétueux et violents « comme les Tar-tares, » et les Anglais reprochent aux Chinois d'être des fourbes consommés (mais tranquilles), qui ne se laissent pas troubler par ce reproche. — L'émotfon est comme une ivresse qui se cuve; la passion comme une démence qui s'attache à une représentation de plus en plus profonde. — Celui qui aime peut encore y voir, mais Y amoureux fou est nécessairement aveugle sur les défauts de l'objet aimé, bien que, huit jours après le mariage, il recouvre ordinairement la vue.— Celui qui est sujet à une émotion comme à un accès de frénésie, si bon que soit son naturel, est cependant semblable à un aliéné; mais comme il se repent aussi très promptement, ce n'est qu'un paroxysme qu'on peut appeler étourderie. Plusieurs désirent pouvoir entrer en colère, et Socrate doutait s'il ne serait pas bon parfois de s'irriter. Mais il semble contradictoire d'avoir assez d'empire sur son émotion pour qu'il soit possible de refléchir de sang-froid si l'on doit ou non se mettre en colère. — Personne au contraire ne se souhaite une passion. Qui pourrait en effet vouloir être enchaîné quand il peut être libre?