Page:Kant - Anthropologie.djvu/241

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encore plus timide, et il n’y a pas d’autre moyen, si ce n’est, en commençant par l’entourage des personnes dont le jugement importe peu, de se placer insensiblement au-dessus de l’importance présumée du jugement des autres sur nous, et de se mettre en cela sur le pied de l’égalité avec elles. L’habitude de procéder ainsi amène la candeur, qui est également éloignée et de la timidité et d’une hardiesse insolente.

Nous sympathisons sans doute avec la pudeur des autres, comme avec une douleur, mais non pas avec leur colère lorsqu’ils se mettent en colère en nous racontant leur penchant pour cette émotion ; car, en face de celui qui se trouve dans cet état, l’auditeur du récit (d’une offense soufferte) n’est pas lui-même en sûreté.

La surprise (l’embarras de se trouver dans l’inattendu) est une excitation du sentiment qui a pour effet immédiat d’entraver le jeu naturel des pensées, qui est désagréable par conséquent ; mais elle produit ensuite une abondance de pensées pour la représentation inattendue, et devient dès lors une excitation d’autant plus efficace et plus agréable. Cette émotion s’appelle plutôt étonnement lorsqu’on est incertain s’il y a veille ou sommeil dans la perception. Un novice dans le monde s’étonne de tout ; mais celui qui est familiarisé avec le cours des choses par une grande expérience se fait un principe de ne s’étonner de rien (nihil admirari). Celui-là, au contraire, qui, contemplant d’un regard réfléchi et scrutateur l’ordre de la