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DE L'OBSERVATION DE SOI-MÊME

avec ses représentations effrayantes et terribles. Tel fut aussi le cas d’un homme d’ailleurs très-distingué, Albert Haller. Grâce au journal de ses états internes, journal longtemps écrit, souvent interrompu, Haller finit par demander à un théologien célèbre, son ancien camarade d’études, le docteur Less, s’il ne pourrait pas trouver dans le vaste trésor de sa science théologique une consolation pour son âme pleine d’angoisses.

C’est une chose digne de réflexion, une chose utile et nécessaire pour la logique et la métaphysique, d’observer en soi les différents actes de la faculté représentative, lorsqu’on les provoque. — Mais vouloir s’épiloguer, prétendre connaître la manière dont ces actes surgissent d’eux-mêmes dans l’âme sans être suscités (ce qui arrive par le jeu spontané de l’imagination créatrice), c’est un renversement de l’ordre naturel dans la faculté de connaître, parce qu’alors les principes de la pensée ne précèdent pas (comme cela devrait être), mais viennent après ; c’est déjà ou une maladie de l’esprit (une rêverie), ou un acheminement à la folie. Celui qui est en état de raconter beaucoup de choses des expériences intérieures (de la grâce, des tentations), ne peut jamais, dans son voyage à la recherche et à la découverte de lui-même, aborder qu’aux Anticyres ; car il n’en est pas des expériences internes comme des externes, touchant les objets dans l’espace : ici les objets apparaissent en dehors les uns des autres et avec une existence permanente ; le sens intime, au contraire, ne voit les rapports de ces détermina-