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DES REPRESENTATIONS INCONSCIENTES


de représentations sont alors excitées dans son âme en un clin d’œil ; le choix de chacune d’elles exigerait déjà un jugement particulier sur sa convenance. En effet, un seul doigté qui ne serait pas conforme à l’harmonie produirait aussitôt une dissonnance. Et cependant l’ensemble s’exécute si bien, que le musicien qui improvise peut souvent désirer d’avoir noté plusieurs morceaux exécutés par lui avec bonheur, et qu’il n’espérerait peut-être pas reproduire aussi bien en y mettant toute son attention.

Ainsi, le champ des représentations obscures est le plus grand dans l’homme. — Mais comme il ne peut se percevoir que dans sa partie passive, comme jeu des sensations, la théorie de ces représentations n’appartient qu’à l’anthropologie physiologique, et non à l’anthropologie pratique, qui est proprement celle dont il s’agit ici.

Souvent en effet nous jouons avec nos représentations obscures, ayant un intérêt à placer dans l’ombre, en face de l’imagination, des objets qui nous plaisent ou nous déplaisent ; mais plus souvent encore nous sommes nous-mêmes le jouet des représentations obscures, et notre entendement ne peut échapper aux absurdités dans lesquelles le précipite leur influence, bien qu’il en connaisse le côté illusoire.

C’est ce qui arrive avec l’amour, considéré proprement, non comme un sentiment de bienveillance, mais plutôt comme la jouissance de son objet. Combien d’esprit ne dépense-t-on pas pour couvrir de fleurs légères ce qui sans doute est aimé, mais qui ce-