Page:Kant - Anthropologie.djvu/413

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s’agit ici du lieu où elle est placée comme un objet, et je demande, en conséquence, que l'on fasse voir comment l’âme place une image qu’elle devait cependant se représenter comme contenue au dedans de soi, dans un rapport tout différent, c’est-à-dire extérieurement dans un lieu, et parmi les objets qui s’offrent à sa sensation réelle. Je ne me paierai pas non plus de l’allégation d’autres cas qui ont quelque ressemblance avec cette espèce d’illusion, et qui se rencontrent par exemple dans l’état fébrile ; car sain ou malade, quel que puisse être l’état de celui qui est trompé, il s’agit de savoir, non pas si cet état se rencontre d’ailleurs, mais comment cette illusion est possible.

Or, nous trouvons dans l’usage des sens extérieurs, qu’en fait de clarté s’attachant aux objets représentés, on comprend aussi dans la sensation le lieu qu’ils occupent, peut-être pas toujours avec une égale raison, cependant comme une condition nécessaire de la sensation, sans laquelle il serait impossible de se représenter les choses comme extérieures à nous. Il est très vraisemblable qu’en cela notre âme transporte l’objet senti dans sa représentation au lieu où convergent les différentes lignes de l’impulsion. D’où il arrive qu’on voit un point lumineux à l’endroit où se coupent les lignes tirées par l'œil dans la direction de l’incidence des rayons lumineux. Ce point, qu’on appelle le point visuel, est sans doute, en fait, le point de dispersion, mais dans la représentation c’est le point de convergence, suivant lequel la sensation est imprimée (focus imaginarius). C’est ainsi que l’on détermine même d’un seul œil le lieu d’un objet sensible, alors, par exemple, que le spectre d’un corps est perçu dans l’air au moyen d’un miroir concave, à l’endroit même où les rayons qui partent d’un point de l’objet se coupent avant de tomber dans l’œil[1].

  1. Ainsi le jugement que nous portons d’un lien apparent d’objets voisins est d’ordinaire représenté dans l’optique, et s’accorde très bien aussi avec l’expérience. Cependant les mêmes rayons lumineux qui partent d'un point ne divergent pas sur le nerf optique, mais s’y réunissent en un point, grâce à la réfraction opérée par les humeurs de l’œil. Si donc la sensation n’a lieu que dans ce nerf, le focus imaginarius ne devrait pas être placé en dehors du corps, il devrait l’être au fond de l’œil ; d’où naît une difficulté que je ne puis résoudre en ce moment, et qui semble inconciliable avec les propositions précédentes et avec l’expérience.