Page:Kant - Anthropologie.djvu/412

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en effet, que les sensations des sens perdissent encore de leur force pour qu’il y eût sommeil, et que les précédentes chimères fussent de vrais songes. La cause pour laquelle elles ne sont déjà pas des rêves dans l’état de veille, c’est parce qu’au même moment où il se les représente comme intérieures, il se représente comme extérieurs d’autres objets qu’il sent, et qu’il rapporte ainsi les premières à l’énergie de son activité propre, et les secondes à ce qu’il reçoit et éprouve du dehors ; car tout revient ici au rapport dans lequel les objets sont conçus à son égard comme homme, par conséquent aussi à l’égard de son corps. Les mêmes images peuvent donc également l’occuper dans l’état de veille, mais elles ne peuvent pas également le tromper, si claires qu’elles puissent être. Car encore bien qu’il ait alors aussi dans le cerveau une représentation de lui-même et de son corps, et qu’il y compare ses images fantastiques, la sensation véritable de son corps par les sens extérieurs contraste néanmoins assez puissamment avec ces chimères pour qu’il regarde la première comme émanée de lui, et la seconde comme sentie. Mais s’il s’endort en cet état, la représentation de son corps s’éteint; il ne reste que la représentation purement factice, à l’égard de laquelle les autres chimères sont conçues comme en état de rapport extérieur, et doivent tromper le dormeur aussi longtemps que le sommeil dure, parce qu’il n’y a pas de sensation qui puisse servir, par la comparaison, à distinguer le prototype du fantôme, c’est-à-dire l’extérieur de l’intérieur.

Les visionnaires se distinguent des rêveurs éveillés non seulement par le degré, mais par la nature des états. Ils mettent dans l’état de veille, et souvent malgré la plus grande vivacité d’autres sensations, certains objets à la place extérieure d’autres choses qu’ils perçoivent réellement autour d’eux ; et toute la question se réduit alors à savoir d’où vient qu’ils placent l’illusion de leur imagination hors d’eux, et même en rapport avec leur corps, qu’ils sentent aussi par des sens extérieurs. La grande clarté de leur chimère n’en peut être cause, car il