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DE L'INTELLIGENCE



§ XIII.


Du jeu artificiel avec l’apparence sensible.


Le prestige occasionné à l’entendement par des représentations sensibles, peut être naturel ou artificiel ; il est, en conséquence, ou illusion (illusio) ou tromperie (fraus). — Le prestige qui force à regarder quelque chose comme réel sur le témoignage de la vue, quoique l’entendement déclare le fait impossible, s’appelle prestige (Augenverblendniss, prestigiœ).

L’illusion est ce genre de prestige qui subsiste, quoi qu’on sache que le prétendu objet n’est pas réel. — Ce jeu de l’âme avec l’apparence sensible est très agréable et très amusant ; par exemple, la perspective linéaire de l’intérieur d’un temple, ou, comme dit Raphaël Mengs en parlant du tableau de l’école péripatéticienne (du Corrége, si je ne me trompe) : « Que si on en regarde les sujets pendant quelque temps, ils semblent marcher ; » ou comme cet escalier si bien représenté en peinture avec une porte entr’ouverte, à l’hôtel de ville d’Amsterdam, que chacun est tenté d’y monter, etc.

Il y a tromperie des sens lorsque l’apparence cesse tout à coup dès qu’on sait comment la chose se passe. Tels sont les jeux de gobelet de toute espèce. Un vêtement dont la couleur tranche avantageusement à la vue est une illusion ; mais le fard est une tromperie.