Page:Kant - Anthropologie.djvu/99

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
88
DE L’INTELLIGENCE.


tibilité naturelle, il n’en faut pas moins apprendre à voir et à entendre ; c’est-à-dire qu’on est dans la nécessité de chercher à réduire ses représentations à des notions de cette espèce d’objet.

Des notions d’objet conduisent souvent à les soumettre involontairement à une image spontanément produite (par l’imagination productive). Quand noue lisons, ou qu’on nous raconte la vie et les œuvres d’un homme distingué par le talent, les services 4>u la naissance, nous sommes ordinairement portée à lui donner dans notre imagination une stature imposante. S’il s’agit au contraire d’un homme d’un caractère souple et doux, nous lui donnons par la pensée une taille petite et souple. Ce n’est pas seulement le paysan, c’est aussi l’homme du monde, qui s’étonne de trouver un tout petit homme dans le héros qu’il s’était fabriqué d’après les actions qu’il en avait entendu raconter, ou de trouver au contraire dans le subtil et conciliant David Hume un homme d’une corpulence énorme. « — Il ne faut donc pas trop exalter l’attente de quelque chose, parce que l’imagination est naturellement portée à l’extrême ; car la réalité est toujours au-dessous de l’idée qu’elle prend pour modèle dans son travail.

Il n’est pas prudent de faire à l’avance un grand éloge d’une personne qu’on veut présenter pour la première fois dans une société ; c’est souvent le méchant tour d’un roué qui veut la rendre ridicule. Car l’imagination agrandit tellement la représentation de ce qui est attendu, que la personne désignée ne peut